mardi 9 février 2010

Le premier débat du Parlement de Québec, 1792

"Les travaux de la première session de la 39e législature sont ajournés depuis le 4 décembre 2009. L'Assemblée reprendra ses travaux le mardi 9 février 2010, à 13 h 45."(1) Voici ce qu'on peut lire sur le site de l'Assemblée nationale du Québec encore ce matin du 9 novembre. Comment s'est déroulée la première rentrée parlementaire de l'histoire du Québec, à l'hiver 1792-93?

La première chambre d'assemblée élue qui peut ressembler à notre Parlement actuel est celle qui est élue à la suite de la loi constitutionnelle de 1791. En effet, Québec devient une ville politique à part entière: "La structure même de l'état colonial est modifiée. Désormais, chaque année, Québec accueillera, en plus des conseillers législatifs, une cinquantaine de députés venus de tous les coins du Bas-Canada pour participer à l'élaboration des lois, débattre et discuter des politiques coloniales." (2)

 L'Assemblée législative du Bas-Canada (chapelle du Palais épiscopal), ville de Québec. (item 1)
Source: Charles W. Simpson (1927), l'Assemblée législative du Bas-Canada (chapelle du palais épiscopal), ville de Québec, Bibliothèque et Archives Canada, consultation en ligne, 9 février 2010.

Les premières élections sont donc organisées rapidement et l'absence de certaines règles provoquent des situations particulières: les campagnes n'ont généralement qu'un seul bureau de vote pour une immense circonscription, les catholiques, les femmes, les juifs et les Amérindiens ont le droit de vote, (impensable en Angleterre), les comtés sont nommés (pour la plupart) à partir des comtés britanniques, le vote se fait à voix haute et publiquement, aucun parti n'existe, mais des alliances de fait se forment. Un peu chaotique dans la situation actuelle. Mais au milieu de l'été 1792, une première chambre de 50 députés est composée et devra se réunir le 17 décembre de la même année.










  

Source: Jean-Antoine Panet (1751-1815), gravure tirée de Benjamin Sulte, l'Histoire des Canadiens-Français, Sulte, 1884. Disponible en ligne, consulté le 9 février 2010.

Le premier vrai débat s'anime autour de l'élection du premier président (speaker) de l'assemblée. Après deux jours de débats houleux où la minorité anglophone (16 députés, principalemet issus de la communauté des affaires, contre 34 députés francophones) a tenté de faire élire un de ses représentants, c'est l'avocat J-Antoine Panet qui est élu. Il faut comprendre que cette élection ne se fait pas sans débat: compétences du candidat, langue maternelle, fonctionnement de la chambre. Au final, Panet est élu à majorité alors que tous les députés anglophones et trois francophones (dont le cousin de Panet, Pierre-Louis Panet) votent contre ce l'avocat. Lors de ce débat à la présidence, les élus font déjà comprendre qu'un premier vrai débat devra être fait bientôt. Celui de la langue des débats et des procès-verbaux de l'Assemblée.

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Source: Le débat sur les langues: séance de l'Assemblée législative du Bas-Canada le 21 janvier 1793. 1910-1913. Charles Huot (peintre), Marc Lajoie et Bernard Vallée (photographes). Tiré de "1777-1791: la montée des idées libérales", Les Canadas vus par les Canadiens, 1750-1860, consulté le 9 février 2010.

Les hostilités s'ouvrent rapidement le 21 janvier 1793. En effet, depuis la Conquête, le français avait toujours pu garder une certaine place dans les documents coloniaux juridiques et administratifs, mais cette chambre d'assemblée, qui relevait directement de Londres, devait se poser la question à savoir comment elle-même publierait ses travaux, les rendrait officiels. Bien entendu, on s'attend à la couleur des débats. D'un côté, on prétend que les travaux s'effectuent pour être compris par le peuple (et par la majorité des parlementaires coloniaux) et de l'autre on prétend que la langue "impériale" devrait prévaloir.



Source: Statue de Guy Carleton, Lord Dorchester, devant le Parlement de Québec, consultation en ligne, 9 février 2010.

C'est après deux journées de débat fort animés qu'une conclusion s'impose finalement: les deux langues seront acceptées, les députés étant en mesure de présenter des lois dans la langue de leur choix, et qu'une traduction systématique assurerait que les textes soient disponibles pour tous, dès la première lecture du texte devant l'assemblée. Chaque loi serait donc votée dans la langue du dépôt du projet, au choix du représentant.  De plus, en lisant entre les lignes, on se rend compte que les lois criminelles (relevant du système britannique) seront présentées d'abord en anglais, alors que celles relevant du système civil (inspirées du système français) seront présentées dans la langue de Molière. Cette conclusion survit le temps d'un été. En septembre 1793, le gouverneur Dorchester (Guy Carleton), fraîchement débarqué d'Angleterre, rapporte une directive du gouvernement impérial: les lois seront votées en anglais, puis traduites.


Sources
1- "Les travaux parlementaires, 39e législature", Assemblée Nationale du Québec, consulté le 9 février 2010.

2- Christian Blais et. al., Québec, quatre siècles d'une capitale, Québec, Les publications du Québec, 2008, p. 196.

À consulter également
Denis Vaugeois. Québec 1792. Sillery, Éditions Septentrion, 1992. 176 pages.

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